Papillon piqueur de fruits
Papillon piqueur de fruits
Le papillon piqueur Eudocima phalonia est un redoutable ravageur des cultures fruitières et maraîchères en Nouvelle-Calédonie. Certaines années, il pullule et cause des dégâts considérables aux productions.
Généralités
Le papillon piqueur de fruits Eudocima phalonia (anciennement Othreis fullonia ou Ophideres fullonica) est un insecte de la famille des lépidoptères. C'est une espèce répandue dans la ceinture tropicale et subtropicale. Elle est originaire de la région Inde-Malaisie.
Ses attaques ne sont pas régulières. Certaines années, les populations de chenilles, et donc d'adultes, pullulent. Les adultes déciment alors les vergers, juste avant les récoltes et causent d'importants préjudices économiques. Des arboriculteurs peuvent perdre la totalité de leurs productions, en quelques nuits d'attaques, si aucun dispositif de protection n'est mis en place.
Symptômes et dégâts
Les papillons adultes se délectent d'une trentaine d'espèces de fruits présents dans l'archipel. Ils ciblent essentiellement les fruits mûrs, donc prêts à être récoltés. Pendant les pullulations, les adultes peuvent piquer les fruits immatures, voire acides.
Les piqûres créent une voie d’entrée à d'autres bioagresseurs des fruits : mouches des fruits, bactéries, champignons, etc. Le fruit pourrit, chute et n'est plus commercialisable.
Les vergers d'agrumes sont les plus impactés lors des pullulations, car ce sont les fruits les plus disponibles au moment de l'émergence des adultes. L'odeur des agrumes est captée à plus de 30 km par les antennes olfactives des papillons, qui parcourent alors de grandes distances pour se régaler d'un bon repas.
Principales productions touchées
- Orange
- Banane
- Ananas
- Mangue
- Papaye
- Mandarine
- Pomelo
- Citron et Lime
- Melon
- Fraise
- Tomate
Description du ravageur
Eudocima phalonia est un papillon de nuit. Il est actif du coucher du soleil jusqu’à l'aube.
Le papillon piqueur de fruits se reconnaît grâce à:
- sa grande taille. L'envergure de ses ailes du papillon piqueur atteint 8 à 10 cm.
- ses gros yeux rouges brillants dans l'obscurité
- la couleur de ses ailes. Les ailes antérieures sont sombres et les ailes postérieures sont orange vif, striées de bandes ondulées noires avec une ligne marginale noire et blanche
Le mâle et la femelle se distinguent par leurs ailes :
- Chez la femelle, le motif de l'aile est marbré avec un triangle blanc.
- Chez le mâle, le motif de l'aile est uni et il n'y a pas de triangle blanc.
Le papillon possède une trompe, appelée également proboscis, rigide et revêtue d’épines râpeuses. Longue de 2,5 cm, elle est capable de percer la peau de tout type de fruits.
Cycle de vie
Le cycle de vie du papillon piqueur est étroitement lié :
- au cycle de vie de ses plantes hôtes
- à la disponibilité en nourriture
En Nouvelle-Calédonie, les plantes hôtes sont essentiellement les érythrines.
La période la plus active du papillon piqueur a lieu de janvier à début juin.
Le cycle biologique du papillon piqueur dure 30 jours, de la ponte des œufs et l'émergence des adultes. Il comprend quatre stades :
- Œufs : les femelles déposent leurs œufs sous les feuilles de la plante hôte, jusqu'à 750 œufs par ponte. Ces œufs sont de couleur sont jaune-vert. L'éclosion de la larve a lieu au bout de 3 à 4 jours
- Larve (ou chenille) : elle est vert sombre à noire et mesure jusqu'à 7 cm. La chenille se nourrit des feuilles des plantes-hôte.
- Chrysalide : elle est enfermée pendant 2 à 3 semaines dans un cocon tissé sous les feuilles.
- Adulte : sa durée de vie est de x années.
Le papillon est rarement observé entre juin et décembre lors de la saison est fraîche. La quantité de nourriture est moins abondante et la qualité des plantes-hôte est moins favorable à la ponte. Le cycle biologique du papillon s’allonge jusqu’à 45 jours.
Causes des pullulations
Les premières pullulations ont été décrites en Nouvelle-Calédonie en 1931. Depuis, les dégâts occasionnés sont tellement importants certaines années que le papillon piqueur a été classé en 2016 dans la catégorie "lutte prioritaire" par la Chambre d’Agriculture de la Nouvelle-Calédonie. Le papillon piqueur de fruits est espèce invasive dans de nombreuses îles du Pacifique.
Les phénomènes de pullulation du papillon piqueur sont observés de plus en plus fréquemment et sont liés à plusieurs facteurs :
- Les changements environnementaux (introduction d'espèces végétales envahissantes) et climatiques
- L'augmentation de la disponibilité en fruits dont les adultes se nourrissent (on parle de fruit-hôte)
- L'augmentation de la présence des plantes-hôtes (érythrines) sur lesquelles les adultes déposent leurs œufs et dont les chenilles se nourrissent
- La capacité des papillons à se déplacer sur de longues distances et atteindre les cultures
Plantes ciblées au stade chenille
Le papillon piqueur se développe sur des plantes différentes selon qu'il soit au stade chenille ou adulte.
La chenille du papillon piqueur n'est pas considérée comme un ravageur de cultures.
C'est pourtant leur pullulation préalable qui détermine l'abondance des populations de papillon adultes. Présentes en masse sur leur plante hôte, les chenilles consomment abondamment les feuilles et peuvent défolier la totalité d'un arbre. Les femelles ciblent deux types de plantes pour pondre :
- Les érythrines (Fabacées), comme Erythrina fusca, communément appelée Grande érythrine ou Érythrine orange. Ce sont des arbres originaires d’Asie tropicale qui produisent de spectaculaires et grandes fleurs rouge orangé. Introduits en Nouvelle-Calédonie comme ombrières pour les cultures de caféiers et les pâturages, les érythrines se sont parfaitement naturalisés et constituent un habitat pour les chenilles du papillon piqueur de fruits. Les érythrines sont abondantes à l'arrière des mangroves, dans les zones d’immersion, comme les marais d’eau douce ou saumâtre, les bords de rivière, les plaines inondables et parfois en montagne.
- Les lianes grimpantes de la famille des Ménispermacées, comme Stephania japonica, aussi appelée la Vigne du Serpent. C'est une espèce que l'on trouve sur la Grande Terre, plutôt en forêt humide dans la Chaîne. Elle est aussi abondante sur les Îles Loyauté.
Méthodes de lutte agroécologiques
L'épandage d'insecticides est fortement déconseillé pour lutter contre les pullulations de papillon piqueur. En effet, les papillons piqueurs sont de gros insectes. Leur neutralisation nécessite l'utilisation d'importantes quantités de produits, juste avant les récoltes. De tels épandages représentent un risque pour la santé humaine et l'environnement.
L’utilisation de filets de protection est actuellement la méthode de lutte la plus efficace.
Les filets constituent une barrière physique impénétrable qui permet de protéger une grande majorité des arbres fruitiers ou productions maraîchères, avec une efficacité évaluée à 100 % en période de pullulation, si aucun fruit n'est en contact avec le filet.
Il est recommandé d'utiliser des filets dont les mailles sont entre 5 et 12 mm. Ils induisent un ombrage de 11 à 21 %. Les petites mailles permettent de lutter contre les ravageurs plus petits comme la mouche des fruits Bactrocera tryoni.
Les filets individuels par arbres sont très efficaces dans les vergers de petite taille, mais leur mise en œuvre sur de larges échelles, et en particulier dans les zones inondables, reste compliquée.
Sur la piste des substances odorantes et attractives
En 2017, des travaux de recherches ont débuté à l'IAC sur l'écologie chimique du papillon piqueur. Elles visent à identifier les substances naturelles attractives pour le papillon piqueur. Ces attractifs, appelés kairomones sont couplées à des dispositifs de piégeage.
Les premiers résultats montrent que plusieurs composés présents dans le parfum des fruits ciblés (ou certains mélanges) engendrent une activité au niveau des antennes olfactives des papillons piqueurs.
Ces recherches en écologie chimique sont menées dans le cadre de la thèse de Lise Leroy, dirigée par Christian Mille.
Après la phase expérimentale en laboratoire, les substances naturelles identifiées seront testées en milieu semi-naturel et en plein champ, afin d'évaluer leur efficacité.
Définitions
Proboscis : se dit de la trompe du papillon
Pullulation : fait d’être en abondance, ou de se multiplier en grand nombre, rapidement et hors de tout contrôle.
Fruit-hôte : se dit d’un fruit dont le papillon se nourrit
Plante-hôte : se dit d’une plante ou le papillon dépose ses œufs.
Ravageur : être vivant qui commet des dégâts sur une plante ou sur une denrée, principalement dans le but de se nourrir, entraînant une perte économique.
Kairomones : molécules intervenant dans la communication chimique entre deux espèces différentes.
Écologie chimique : discipline de l’écologie qui étudie le rôle des signaux et des médiateurs chimiques, des composés biochimiques émis dans l’air par les plantes, les fruits, les insectes et qui établissent des interactions et des comportements.
-
-
Mot de l'auteur
Sources
Brinon L., P. Cochereau., A. Haury et J. -F. Buchy, 1996. Les filets contre les papillons piqueurs de fruits. Rapport de mission, province Sud, 54 p.
Cochereau P., 1977. Biologie et écologie des populations en Nouvelle-Calédonie d’un Papillon piqueur de Fruits : Othreis fullonia Clerck (Lepidoptera, Noctuidae, Catocalinae). Travaux et documents de l’ORSTOM, Institut Français de Recherche Scientifique pour le Développement en Coopération, 322p.
Leroy L., 2021. Écologie Chimique du Papillon piqueur de Fruits Eudocima phalonia (Linné) en Nouvelle-Calédonie dans un contexte de lutte intégrée : Relations phytophages/plantes-hôtes, physiologie et comportements impliqués dans la réponse aux odeurs. École Doctorale du Pacifique, Institut Agronomique néo-Calédonien.
Auteurs
Publié le : 7 février 2021
Rédaction du contenu scientifique :
- Lise LEROY, IAC
- Christian MILLE, IAC
- Sylvie CAZÈRES, IAC
Rédaction web et marketing éditorial :
Relecture et validation :
- Lise LEROY, IAC
Référence à indiquer : "Papillon piqueur" sur le site Agripedia.nc, consulté le [date de la consultation] + [lien hypertexte de la page web] ou [lien hypertexte du pdf]