La culture du bananier
Réussir la culture bananière nécessite un certain nombre d'opérations, depuis le choix du terrain à la récolte en passant par l'iirigation et l'entretien des plantations.
Exigences sol et climat
Le climat
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Températures :
On estime généralement que 28°C est la température moyenne optimale. En deçà et au delà de cette température, la vitesse de croissance diminue lentement (jusqu'à 20°C environ), puis de plus en plus vite. L'activité végétative devient faible en dessous de 16-18°C et les fruits sont endommagés plus ou moins fortement. En Nouvelle-Calédonie où une saison hivernale existe (15-18°C), la culture bananière prendra une allure saisonnière très marquée. -
Lumière :
Le bananier est cultivé dans des conditions d'éclairement très variées ; cependant sous ombrage, les rejets "filent" vers la lumière entraînant une augmentation de la taille des plants, d'où l'importance du bon choix de la densité de plantation. - Eau :
Elle est nécessaire pour l'édification des tissus mais surtout pour la transpiration de la plante. Compte tenu de l'importance du feuillage, le bananier est une plante exigeante en eau. Le sol doit donc en être bien pourvu, mais un excès d'eau dans le sol provoque l'asphyxie des racines. On considère que les besoins en eau s'élèvent à 200 mm par mois, régulièrement réparti. En période sèche, l'irrigation est indispensable.
- Vent :
Les effets directs du vent sont par ordre de gravité croissante : déchirure des feuilles, cassure des pétioles, ébranlement des bananiers, cassure du pseudo-tronc, déracinement complet. Indirectement, le vent accélère la transpiration donc augmente la consommation d'eau. Il peut également entraîner des brûlures foliaires par apport d'embruns salés en bordure de mer.
Le choix du terrain
On choisira un terrain facile d'accès, à proximité d'un point d'eau et si possible abrité des vents dominants. On évitera la plantation sur un précédent bananeraie en privilégiant la rotation culturale. Le sol sera de préférence profond, meuble, frais et sans eau stagnante (nappe phréatique à 80 cm au moins). Si le terrain n'est pas protégé naturellement des vents dominants la plantation de haies brise-vent sera indispensable.
Préparation du terrain
- Préparation mécanique : si le matériel est disponible et le terrain adapté, une préparation mécanique complète est souhaitable. Elle doit être réalisée sur terrain sec. Nettoyage du terrain (sans enlever la couche arable), sous-solage à 80 cm, épandage de l’amendement calcique, de l’engrais de fond 0.32.16, du fumier, en fonction des résultats d’analyse de sol, labour avec une charrue à soc.
- Préparation manuelle : les trous de plantation seront de 60 x 60 x 60 cm. L’amendement calcique, l'engrais de fond et le fumier, fonction de l’analyse de sol, seront mélangés au remblaiement du trou, en attente de la plantation des bananiers.
Choix et préparation des plants
Les variétés utilisées localement (Poyo, Grande Naine, Petite Naine, Poingo) conviennent bien. La variété de banane dessert Williams, plus résistante au froid, est désormais cultivée dans tout l’archipel.
Pour la plantation, on recommande l’utilisation de vitroplants de bananiers, indemnes de viroses et/ou de vivoplants issu de pieds-mères indexés. Ces types de matériel végétal présentent de même l’avantage de ne pas être parasités par les charançons et les nématodes. Le sevrage des vitroplants ainsi que la production de vivoplants et leur plantation sont décrits dans les supports techniques édités par l’IAC et ARBOFRUITS.
Les vitro/vivoplants seront mis en place tels quels, après les avoir débarrassés du pochon plastique.
Il est aussi possible de valoriser les rejets "baïonnettes", à feuilles étroites (moins de 10 cm de large), hauteur minimum 40 cm, bien renflés à la base ainsi que des souches ou portions de souches provenant de bananiers adultes ayant fructifié de préférence, avec un rejet attenant. Dans ces derniers cas, il faut préparer les plants : pour les rejets, on se contente de couper les racines ; pour les souches, éplucher la base du faux-tronc, enlever toutes les racines et supprimer les parties abîmées avec un couteau tranchant (parage). Laisser un seul bourgeon au niveau du collet.
Les bulbes et rejets sont ensuite traités pour supprimer larves et adultes de charançon. On procède à un pralinage : les bulbes ou rejets son trempés dans une boue épaisse à laquelle on aura ajouté un insecticide approprié.
Ces dernières préconisations sont inutiles dans le cadre de l’utilisation de vitro/vivoplants.
Il est particulièrement recommandé de pratiquer rotations culturales, utilisation de vitro/vivoplants et trois cycles de production, afin de gérer au mieux l’infestation des charançons et nématodes, sans avoir recours à l’épandage d’insecticides au sol.
Densité de plantation
La densité de plantation varie suivant la taille des cultivars. Nous recommandons :
- 2000 plants par hectare en double rang pour les variétés de taille moyenne (3 à 4 m) telles que Poyo, Grande-Naine, Williams, selon le dispositif suivant :
- Grand interligne : 4.00 m.
- Petit interligne : 1.80 m.
- Distance entre plants sur la ligne : 1.70 m.
- 1800 plants par hectare en double rang pour les variétés de grande taille (4 à 6m ) telles que Poingo, Gros-Michel, bananes Chef (Maia Maoli, Popu’Ulu) :
- Grand interligne : 4.00 m.
- Petit interligne : 2.00 m.
- Distance entre plants sur la ligne : 1.85 m.
Planter
- Epoque : il est possible de planter toute l'année. Il est malgré tout préférable de planter durant la saison chaude et humide, de novembre à mars. Les plants démarrent plus vite, ne risquent pas de manquer d'eau et produisent plus tôt, généralement avant la période cyclonique suivante, mettant ainsi hors de danger une partie de la production.
- En culture mécanisée, on trace au tracteur et à la charrue à soc un sillon de 20 cm de profondeur dans lequel on dispose les vitro/vivoplants, bulbes ou rejets à intervalle voulu. Il suffit alors de ramener la terre sur le plant préalablement redressé.
- Que ce soit en culture mécanisée ou manuelle, le plant ne doit pas être enterré à plus de 20-25 cm.
Entretien des plantations
La culture bananière exige un certain nombre d'opérations qui ne peuvent être faites que manuellement, le rôle de la mécanisation étant restreint à la préparation du terrain, parfois à l'entretien du sol et aux traitements antiparasitaires.
Désherbage :
- Au delà de 3 mois, on peut utiliser le glyphosate (m.a.). Cette catégorie d’herbicide doit être maniée avec précaution, le bananier, "herbe géante", y étant sensible. Lorsque les bananiers ombragent complètement le sol, le contrôle des mauvaises herbes est assuré naturellement. L'emploi d'herbicides contenant du 2,4-D est formellement déconseillé.
Fertilisation :
- Elle est nécessaire pour une croissance rapide et régulière et la production de beaux régimes. Apporter 150 g d'engrais type nitrate de potasse (13.0.46) par pied chaque mois. Epandre l'engrais « à la volée » autour du plant en augmentant régulièrement la distance entre le tronc et la zone d'épandage. Au total, en fin de cycle on aura apporté, par pied : 230 g d'azote (N), et 830 g de potasse (K2O). Ces valeurs doivent être modulées par l'analyse du sol.
Taille (oeilletonnage) :
- Il est impératif de ne garder qu'un seul pied fructifère en supprimant les rejets qui apparaissent après plantation. On en laisse un vers 5-6 mois, ou à la sortie de la fleur, qui sera le successeur. C'est la conduite à un seul porteur qui permet d'avoir des rendements plus importants et de maintenir la bananeraie en ordre et facile à entretenir.
- Les rejets successeurs devront être :
- de taille homogène
- positionnés sur la ligne, du même côté du pied-mère
Soins au régime :
- Tuteurage : Lorsque le régime est formé, il peut être nécessaire de soutenir la tige. Utiliser deux perches (ou bambous) attachées au tronc de manière à former un trépied. Eviter les frottements entre le régime et les perches. On peut également haubanner les plants en attachant la hampe du régime à la base du pied voisin avec de la ficelle de nylon.
- Engainage : Pour améliorer la présentation des fruits en évitant les grattages dus aux frottements des feuilles voisines, on peut placer des gaines de plastique, teintées de bleu, perforées pour augmenter l'aération. Ces gaines favorisent également le grossissement des fruits par effet de serre.
- Dégagement des fleurs : Pour éviter les grattages dus aux frottements, les feuilles pouvant gêner le régime seront cassées, mais non coupées.
Sélection du rejet (1 à feuilles) | Début de floraison | Fin de floraison | Début de récolte | Fin de récolte |
Mars | Décembre | Mai | Mars | Septembre-Octobre |
Mai | Mars | Septembre | Août | Décembre |
Juillet | Mars | Octobre | Août | Janvier |
Septembre | Mars | Août | Août | Décembre |
Novembre | Juillet | Décembre* | Décembre | Mars* |
Janvier | Octobre | Janvier* | Janvier | Avril* |
(*) Estimation (données manquantes)
Avec gaine | Sans gaine | |
Moyenne (kg) | 26,2 | 18,9 |
Nombre de données | 70 | 53 |
Ecart-type | 5,44 | 5,17 |
Ravageurs et maladies
Cinq ennemis du bananier se rencontrent couramment en Nouvelle Calédonie, réduisant fortement la production ou la valeur commerciale des fruits.
Le charançon :
Sa larve creuse des galeries dans le bulbe et fragilise la souche.
Les nématodes :
Ils s'attaquent aux racines du bananier (nécroses ou formation de gales). Trois cycles culturaux constituent une limite au-delà de laquelle la lutte contre charançons et nématodes va se traduire par un coût supplémentaire (application d’insecticide au sol à gérer avec la nature des horizons pédologiques et la présence de la nappe phréatique) à relier avec une baisse des rendements. Il est donc fortement conseillé de pratiquer la rotation culturale, l’utilisation de vitro/vivoplants et le piégeage de masse des charançons (phéromone d’agrégation) tel que décrit dans les fiches techniques thématiques de la Station de Pocquereux.
Pyrale :
La chenille de ce papillon s'attaque à la peau des fruits qui ne sont plus présentables à la vente. Traiter l'inflorescence à son émergence (avant qu'elle ne se recourbe) à l'aide d'une lance à injection (aiguille + pompe + réservoir). Utiliser de la deltamethrine ou de la cyperméthrine (m.a).
Les injections doivent se faire dans le tiers supérieur de la fleur pointante pour ne pas blesser les jeunes fruits. Attendre quelques secondes que le produit diffuse entre les bractées avant de retirer l'aiguille. Piquer une deuxième fois de l'autre côté de la fleur.
La cercosporiose noire ou Maladie des raies noires (Mycosphaerella Fijiensis) :
La cercosporiose noire est une maladie fongique qui affecte significativement le rendement si elle n’est pas contrôlée de manière raisonnée par le suivi de l’avertissement agricole, préconisé par la Station de Pocquereux, relativement à l’étude épidémiologique de la maladie en Nouvelle-Calédonie. Cet avertissement est déclenché en fonction des événements climatiques (pluviométrie, température) et il définit la rotation des matières actives afin d’éviter les phénomènes de résistance de la cercosporiose vis-à-vis des fongicides disponibles.
- On utilise de l'huile minérale spécifique « bananier » à la dose de 20 l/ha additionnée des fongicides homologués sur bananiers et disponibles en Nouvelle-Calédonie.
- L'application est réalisée avec un atomiseur à dos (type SOLO), en parcourant la plantation à un pas rapide, la lance étant dirigée vers le ciel. Ne pas dépasser la dose de 20 litres à l'hectare, sous risque de phytotoxicité due à l'huile.
Le bunchy top :
Cette grave affection virale du bananier ainsi que son puceron vecteur sont décrits dans les fiches techniques thématiques de la Station de Pocquereux. La suspiscion de présence de cette maladie doit être signalée dans les plus brefs délais aux équipes spécialisées d’ARBOFRUITS et/ou la DAVAR-SIVAP afin de mettre en œuvre l’éradication des bananiers atteints.
L’utilisation de vitroplants et de vivoplants issus de pieds-mères indexés permet de s’affranchir de l’attaque du virus et limite ainsi la dispersion et l’expansion du Bunchy Top par la circulation et la plantation de rejets infectés.
Autres maladies fongiques secondaires :
Leaf freckle, leaf speckle, Cordana spp., Septoria spp., Dreshlera gigantea sont observées sur bananier en Nouvelle-Calédonie.
Ces maladies opportunistes (état sanitaire de la bananeraie, facteurs ponctuels climatiques) ne sont pas considérées comme économiquement importantes et la protection pratiquée contre la cercosporiose permet de les contrôler efficacement.
Irrigation
Prévoir 50 mm d'eau (500 m3 par hectare) par semaine en saison sèche. Cette quantité est adaptée en fonction du matériel d’irrigation utilisé. En période de pluie, déduire la quantité de pluie des 50 mm hebdomadaires.
Récolte
La récolte sera déclenchée quand les fruits s'arrondissent, dès que les côtes sont estompées. Le diamètre (grade) d'un fruit médian de la deuxième main est alors d'environ 32 à 34 mm.
Il est possible de gérer la planification de la récolte en combinant le marquage des bananiers avec la piqûre obligatoire de l’inflorescence émergente, puis en effectuant le suivi des températures moyennes hebdomadaires au seuil de 14°C (zéro de végétation). Ainsi, la prévision de récolte est définie lorsque la somme destempératures requises depuis l’émission de l’inflorescence (jetée) atteint 900 (un tableau de calcul est disponible à la Station de Pocquereux).
Les régimes coupés seront toujours protégés par des matelas de mousse (5 cm d'épaisseur) et stockés debout sur la dernière main.
Les régimes peuvent également être "dépattés" au pied du bananier, ce qui diminue les risques de grattage.
Conditionnement
Les doigts seront soigneusement épistillés.
Les régimes seront découpés en mains ou en bouquets de quelques doigts (minimum 4), à l'aide d'un couteau très aiguisé, à lame courbe ou d'une spatule à dépatter.
Les mains seront plongées dans un bain d'eau courante pendant au moins 20 minutes pour permettre l'écoulement du latex, puis rangés dans des caisses ou cartons empilables. On fera attention de ne pas tasser les fruits, pour éviter les pliures de pédoncules et les grattages.
Le contenu d'une même caisse sera homogène (taille des fruits, qualité, maturité).
Maturation artificielle
Equipement :
Des chambres froides étanches aux gaz et pourvues d'une isolation thermique sont utilisées aussi bien pour la conservation que pour la maturation des bananes.
Une chambre d'un volume intérieur de 14 m3 peut contenir environ 100 cartons de 18kg.
La température doit pouvoir être abaissée aux environs de 10°C à pleine charge, sachant que les fruits dégagent de la chaleur en mûrissant. Un thermostat de régulation est indispensable. La mesure de la température au niveau de la pulpe doit être faite en 3 points de la chambre (fond, centre et entrée).
L'humidité relative de l'air doit être maintenue au dessus de 90%, ce qui nécessite une installation appropriée.
Conservation :
Pour assurer une conservation de quatre semaines, il est nécessaire de maintenir la température interne des fruits, c'est à dire la température mesurée au niveau de la pulpe, entre 13 et 15°C. Pour y arriver, selon la charge, la chambre doit pouvoir être refroidie aux environs de 10°C.
Un équipement d'humidification de l'air doit être prévu pour atteindre au minimum 90% d'humidité relative, faute de quoi on observe des flétrissures au niveau du pédoncule.
Les fruits devront être parfaitement sains, car les blessures provoquent un dégagement d'éthylène qui déclenche le processus de maturation. Une fois déclenché, ce phénomène est irréversible et contagieux (l'éthylène dégagé par un fruit induit la maturation des fruits voisins).
Avant d'être stockés pour conservation, les fruits devront subir un trempage dans de l'eau courante pendant 20 minutes pour que s'écoule le latex, puis dans une solution fongicide pour éviter la prolifération de champignons.
La chambre doit être aérée par ouverture des portes pendant 20 minutes chaque jour.
Maturation - Mise en marche différée :
Si on laisse intervenir la maturation naturelle, les fruits acquièrent une coloration jaune pâle à température ambiante. Pour arriver à une coloration jaune vif, un bon parfum et une texture ferme de la pulpe, les fruits doivent mûrir en atmosphère contrôlée. On utilise l'hormone naturelle de maturation des fruits climactériques : l'éthylène, ou de préférence un mélange d'éthylène (5,5%) et d'azote (94,5%) et qui a l'avantage de ne pas être explosif.
La teneur en éthylène de la chambre doit être de 1 à 2 pour mille, soit 20 à 40 litres d'azéthyl pour 1 m3 de chambre.
Les fruits sont maintenus en atmosphère azoté pendant 24 heures. L'air est ensuite renouvelé par ouverture de la porte pendant 20 minutes, et ensuite toutes les 24 heures.
Les techniques à mettre en œuvre, afin de maîtriser les facteurs de qualité avant et après la récolte des régimes, de même que la gestion de l’approvisionnement du marché à huit jours par l’utilsation de l’azéthyl combinée au pilotage de la température en chambre froide sont décrites dans la fiche technique thématique éditée par la Station de Pocquereux.