Abelmoschus manihot (Chou kanak, vertus médicinales)
Outre ses bienfaits alimentaires, le chou kanak Abelmoschus manihot est aussi une plante médicinale, particulièrement utilisée dans le domaine de la santé féminine.
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Identité
Nom scientifiqueAbelmoschus manihotFamilleMalvaceaeStatut BiogéographiquePlante indigèneOrigine géographiqueAsieDistribution géographiqueNouvelle-CalédonieNoms KanakWiz, Wej (Drehu)Wel (Nengone)Xölaak (Iaai)Icârâ (Païcî)Kaawet (Cémuhi)Autres noms communsHibiscus manihot L.Milieu naturel d'origineNon renseignéStatut IUCNNon évalué
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Description
Type de planteArbusteCouleur des feuillesVertCouleur des fleursJauneHauteur à maturitéEntre 50 cm à 2 m
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Type et préparations
Type de plante médicinaleEndémique ou indigèneType de médecineTraditionnelle KanakFamiliale couranteType de préparationsProduit fraisJusProduit cuitMélangesDécoctionInfusionPartie utiliséesFeuilleFleurRacineTigeÉcorce
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Propriétés
LaxatifAntioxydantAnalgésiqueAnti-inflammatoireAntiviral
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Usages médicinaux
Maladies du foieAffections respiratoiresTroubles rénauxBlessuresTroubles digestifsMaternitéGynécologie, règlesPeau, dermatologie
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Saisonnalité
FloraisonFruitsTaille
Généralités
Le choux kanak Abelmochus manihot est une plante alimentaire et médicinale à croissance rapide qui peut atteindre 1 à 5 m de haut. Il appartient à la famille des Malvacées.
La fiche "Choux kanak" présente en détail des descriptions botaniques et les techniques de culture.
La fiche ci-dessous présente les propriétés et usages médicinaux des différentes parties de la plante. Tous les organes sont utilisés en médecine traditionnelle : racines, feuilles, fleurs, écorce.
Cette plante est utilisée dans la médecine traditionnelle kanak. Voir la fiche "La médecine traditionnelle kanak".
Elle est aussi traditionnellement utilisée dans les médecines asiatiques et dans celles des îles du Pacifique. Les usages médicinaux sont d'ailleurs assez différents selon les régions. Voici quelques dénominations du chou kanak dans la région Asie-Pacifique :
- Aibika (Papouasie Nouvelle-Guinée)
- Bele (Fidji)
- Aelan kapis (Vanuatu)
- Pele (Tonga, Samoa, Îles Cook)
- Huang Shu Kui Hua (Chine)
- Tororo aoi (Japon)
- Hwang chok kyu (Corée)
Précautions d'usages
Avant tout usage de plante médicinale, lisez attentivement la fiche Agripédia "Précautions d'usage des plantes médicinales", car certaines plantes sont toxiques, même à faible dose et un mauvais usage pourrait mettre votre santé en danger.
Quelques règles de bon sens :
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L'utilisation des remèdes présentés dans nos fiches ne se substitue aucunement à un avis médical, ni aux conseils d'un guérisseur traditionnel (tradithérapeute) ;
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En cas de symptômes persistants ou anormaux, consultez un professionnel de santé ;
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N'utilisez pas une plante quand vous avez un doute sur son identification botanique ou alors demandez une identification formelle à quelqu'un de votre entourage qui s'y connait vraiment, un botaniste, un tradithérapeute, un herboriste ou un pharmacien.
Vertus générales et composés
Les vertus médicinales d'Abelmochus manihot sont nombreuses. Cette plante est traditionnellement utilisée pour :
- la santé féminine
- les douleurs
- les troubles digestifs
- les crises d'hémorroïdes
- les maladies du foie
- les affections cutanées
- les troubles respiratoires
- les affections rénales
Les paragraphes suivants détaillent les remèdes traditionnels connus pour chaque partie de la plante en Nouvelle-Calédonie et dans différentes régions.
Composés identifiés dans la plante (2,5)
- Plus de 128 constituants chimiques ont été isolés chez Abelmoschus manihot dont la plupart proviennent des fleurs.
- Nutriments : protéines, fibres et éléments minéraux : calcium, magnésium, potassium, fer, sodium, zinc (5)
- Flavonoïdes : myricétine (ou myricétol), myricétine 3-O-beta-D-glucopyranoside, quercétine (2), gossypétine, floramanosides
- Stéroïdes : Stigmastérol, b-Sitosterol (2), a-Spinastérol
- Acides aminés : 22 au total
- Nucléosides : 16 au total
- Polysaccharides : glucose, mannose, galactose, fucose, rhamnose, acide glucuronique, arabinose
- Acides organiques : acide dihydroxybenzoïque, acide protocatéchique, acide caféique, acide palmitique, acide gallique, acide caffeoylquinique
- Huiles volatiles : acide maléique, tétracosane, hexadécane, heneicosane, octadécane, docosane, acide palmitique, acide heptatriacontanoïque, acide tétradécanoïque, allyl undecylenate
FEUILLES ET TIGES : propriétés et usages médicinaux connus
En Nouvelle-Calédonie
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Accouchement : les feuilles sont utilisées pour faciliter les accouchements (12)
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Troubles digestifs: les feuilles bouillies sont utilisées pour traiter les violentes diarrhées/dysenterie (3), la constipation et les crises d’hémorroïdes (1)
Dans la région Pacifique
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Grossesse : en Papouasie Nouvelle-Guinée, les femmes enceintes consomment régulièrement une soupe de feuilles pour renforcer la santé du bébé (3).
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Accouchement : la décoction de feuilles facilite l'accouchement (Vanuatu, Papouasie, Fidji)(1). Au Vanuatu, Bourdy et al. (1992) rapportent que pour faciliter leur accouchement, les femmes boivent un verre plein d'infusion préparée à partir d’une dizaine de feuilles recouvertes d’eau portées à ébullition. Des femmes boivent également le jus d'une grosse poignée de feuilles et bourgeons pressés (2 à 3 cuillères). Elles l'utilisent aussi pour nettoyer leurs zones pubiennes (13). En Papouasie Nouvelle-Guinée, les femmes enceintes provoquent leur accouchement en consommant une boisson préparée avec des feuilles écrasées et des feuilles de canne (3).
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Allaitement : la consommation de feuilles stimule la production de lait (Vanuatu, Fidji) (1, 13).
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Règles : les feuilles sont utilisées pour raccourcir les périodes de menstruation (Fidji). Au Vanuatu, le jus de feuilles cuites est bu deux fois par jour pendant 6 jours en cas de règles abondantes et prolongées (ménorragie) (13).
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Peau, rougeurs : un bain préparé avec une décoction de feuilles est employé pour soigner les éruptions cutanées (Papouasie) (3).
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Asthme : les feuilles cuites en soupe avec Saccharum edule (Poacée) traitent l'asthme (3).
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Troubles digestifs : les feuilles et jeunes tiges cuites sont largement utilisées pour traiter les maux d’estomac (Fidji, Papouasie), la dysenterie (Fiji, Papouasie Nouvelle-Guinée), la diarrhée (Papouasie Nouvelle-Guinée) et le mucilage extrait des feuilles et des tiges est utilisé en cas de constipation (Papouasie Nouvelle-Guinée) (1).
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Rhumes, maux de gorge : les feuilles et tiges cuites sont aussi utilisées pour soigner les rhumes et les maux de gorge (Papouasie) (1)
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Mycoses : des feuilles chauffées peuvent être appliquées en traitement curatif des mycoses, des prurits et plaies entre les orteils en lien avec des mycoses (Vanuatu) (14).
La fiche "Les différentes préparations de plantes médicinales" explique comment préparer des infusions, décoctions, macérations...
Composition
- Les feuilles sont riches en protéines, fibres, calcium, magnésium, potassium, fer, sodium vitamines A et B (5,15).
Propriétés biologiques et/ou chimiques
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Anti-inflammatoire : l'étude scientifique de Jain et al. (2009) a montré une activité anti-inflammatoire des extraits de tiges sur un œdème de rat (6)
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Analgésique : l'étude de Pritam et al. (2011) a montré des propriétés analgésiques d’extraits de feuilles chez la souris (7).
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Pertes osseuses : l'étude scientifique de Puel et al. (2005) montre que l'administration d'extraits de feuilles permet de prévenir la perte de masse osseuse (ostéopénie) chez des rates (femelle du rat) ovariectomisées (10).
FLEURS : propriétés et usages médicinaux connus
Dans le monde
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Affections respiratoires : le jus de fleurs traite les bronchites chroniques (Népal) (3)
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Douleurs : le jus de fleurs traite les maux de dents (Népal) (3)
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Foie : la décoction des fleurs est traditionnellement utilisée pour le traitement de la jaunisse et de divers types d'hépatites chroniques et aiguës dans les provinces chinoises d'Anhui et de Jiangsu (4).
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Reins : un remède à base de fleurs d'Abelmoschus manihot est très connu de la médecine traditionnelle chinoise pour traiter les maladies rénales chroniques et néphropathies diabétiques. Les "capsules de Huangkui" contenant certains composés de la fleur séchée aurait une action sur les fonctions rénales et la protéinurie. Ce traitement est approuvé par la « China’s State Food and Drug Administration » (Chine) (5).
Composés identifiés dans la fleur
- De nombreux flavonoïdes ont été purifiés à partir de la fleur qui est l’organe de la plante le plus riche en ces composés actifs. D’autres composés comme les stérols, les huiles volatiles, les polysaccharides ou les acides organiques y sont également détectés (5).
Propriétés biologiques et/ou chimiques
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Anti-cancéreuse : Zheng et al. (2016) ont montré qu’un polysaccharide purifié des extraits de fleurs supprime la prolifération de cellules cancéreuses du foie humain (8). L’administration d’extraits totaux de flavonoïdes des fleurs réduit l’étendue des lésions chez des souris atteintes du foie (4)
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Anti-apoptotique : plusieurs auteurs ont mis en évidence que les composés actifs extraits des fleurs (hyperoxide en particulier) permettraient de traiter des lésions rénales aiguës en exerçant une activité néphroprotectrice qui serait liée à leurs propriétés anti-apoptotiques (c'est-à-dire qui empêchent l'autodestruction cellulaire) et antioxydantes (5).
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Antioxydantes : des floramanosides extraits des fleurs possèdent une forte activité de piégeage des espèces réactives de l’oxygène responsables du stress oxydatif qui est associé à de nombreuses pathologies (maladies cardiovasculaires, diabète, neurodégénératives, cancer (5).
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Anti-virales : les travaux de Wu et al. (2007) ont montré un effet antiviral de l’hyperoside (flavonoïdes) extrait des fleurs contre le virus de l’hépatite B du canard (fleur hyperoside flavonoide) (9).
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Neuro-protectrices : des études attribuent également aux extraits de flavones des fonctions protectrices des neurones, en inhibant notamment la réponse des récepteurs NMDA du glutamate. (5). Un rôle protecteur des flavonoïdes a été mis en évidence sur des lésions cérébrales induites par une ischémie chez le rat (11).
ÉCORCE : propriétés et usages médicinaux
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Grossesse : la macération de l’écorce dans l’eau froide sert de médicament pour les femmes enceintes. Cette boisson est préparée pour améliorer la croissance du fœtus (Nouvelle-Calédonie) (12).
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Règles : l'écorce est utilisée pour déclencher ou régulariser les règles (propriété emménagogue) (Inde) (3).
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Antiseptique : une pâte faite avec l'écorce traite les coupures et les plaies (Népal) (3,5,2).
RACINES : propriétés et usages médicinaux
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Blessures : le jus des racines chauffées est appliqué en usage externe pour soigner les entorses et foulures (Népal) (3,5,2).
Autres usages
Le chou kanak est utilisé à d'autres fins :
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Alimentaire : Les feuilles et les fleurs sont comestibles. En Nouvelle-Calédonie, on cuit les feuilles avec du lait de coco ou sautées avec d'autres feuilles. Le chou kanak est couramment utilisé dans la préparation du plat traditionnel kanak, le bougna, notamment celui qui est préparé lors de la fête des prémices. Au Vanuatu, les larges feuilles enveloppent les lap-lap (3). Il fait partie intégrante du repas quotidien en Papouasie-Nouvelle-Guinée et environ 75 % de la population locale consomme ce légume car il est riche en micronutriments (5).
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Artisanat : les composés mucilagineux extraits des racines rentrent dans la composition du papier traditionnel asiatique fabriqué à la main (washi au Japon, hanji en Corée) (1).
Soutien à la réalisation de cette fiche
L'Institut agronomique néo-calédonien (IAC) a été lauréat du "Fonds de sauvegarde du patrimoine immatériel des pays et territoires d'outremer (PTOM)" en mars 2022 pour intégrer dans Agripedia des fiches sur les plantes médicinales de la pharmacopée calédonienne.
Cette fiche a été réalisée grâce au soutien moral et financier de l'Union européenne, de l'Institut français, de l'OCTA et de l'ACPA dans la cadre du projet pilote ARCHIPEL.EU.
Cette fiche a été également réalisée grâce au soutien scientifique, technique et financier de l'IAC, l'ADCK-Centre Tjibaou, l'IRD, l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie et Lincks.
Sources
- (1) Preston S.R., 1998. Aibika/Bele Abelmoschus manihot (L.) Medik. Promoting the Conservation and Use of Underutilized and Neglected Crops 24. (Rome, Italy: IPGRI).
- (2) Todarwal A., Jain P., Bari S. 2011. Abelmoschus manihot Linn : ethnobotany, phytochemistry and pharmacology. Asian Journal of Traditional Medicines, 2011, 6.
- (3) Limousin P., 2014. Oceania planta medica, flore de Kanaky, vol. II - Panacées alimentaires - p 97
- (4) Ai, G., Liu, Q. C., Hua, W., Huang, Z. M., and Wang, D. W. (2013). Hepatoprotective evaluation of the total flavonoids extracted from flowers of Abelmoschus manihot (L.) Medic: in vitro and in vivo studies. J. Ethnopharmacol. 146, 794–802.
- (5) Luan F., Wu Q., Yang Y., Lv H., Liu D., Gan Z., Zeng N. 2020. Traditional Uses, Chemical Constituents, Biological Properties, Clinical Settings, and Toxicities of Abelmoschus manihot L.: A Comprehensive Review. Frontiers in Pharmacology, 11, 1068.
- (6) Jain, P. S., Bari, S. B., and Surana, S. J. (2009). Isolation of stigmasterol and gsitosterol from petroleum ether extract of woody stem of Abelmoschus manihot. Asian J. Biol. Sci. 2, 112–117.
- (7) Pritam, S. J., Amol, A. T., Sanjay, B. B., and Sanjay, J. S. (2011). Analgesic activity of Abelmoschus manihot extracts. Int. J. Pharmacol. 7, 716–720.
- (8) Zheng X., Liu, Z., Li S., Wang L., Lv J., Li J., Ma X., Fan L., Qian F. 2016. Identification and characterization of a cytotoxic polysaccharide from the flower of Abelmoschus Manihot. Int. J. Biol. Macromol. 82, 284-290.
- (9) Wu, L. L., Yang, X. B., Huang, Z. M., Liu, H. Z., Wu, G. X. (2007). In vivo and in vitro antiviral activity of hyperoside extracted from Abelmoschus manihot (L) medik. Acta Pharmacol. Sin. 28, 404–409.
- (10) Puel, C., Mathey, J., Kati-Coulibaly, S., Davicco, M. J., Lebecque, P., Chanteranne, B., et al. (2005). Preventive effect of Abelmoschus manihot (L.) Medik. on bone loss in the ovariectomised rats. J. Ethnopharmacol. 99, 55–60
- (11) Wen, J. Y., Chen, Z. W. (2007). Protective effect of pharmacological preconditioning of total flavones of Abelmoschl manihot on cerebral ischemic reperfusion injury in rats. Am. J. Chin. Med. 35, 653–661.
- (12) Lormée N., Cabalion P., Hnawia E. 2011. Hommes et plantes de Maré, IRD éditions, p 358
- (13) Bourdy G. et Walter A., 1992. Maternity and medicinal plants in Vanuatu I. The cycle of reproduction. Journal of Ethnopharmacology, 37, 179-196.
- (14) Walter A. (1991). Prestige et savoirs des femmes : un aspect de la médecine populaire à Vanuatu. Montpellier : ORSTOM, 257 p. + 459 p. + 120 p. + annexes. Th., Aix-Marseille.
- (15) Rubiang-Yalambing, L., Arcot, J., Greenfield, H., and Holford, P. (2016). Aibika (Abelmoschus manihot L.): genetic variation, morphology and relationships to micronutrient composition. Food Chem. 193, 62–68. doi: 10.1016/ j.foodchem.2014.08.058
Auteurs
Publié le : 28 mars 2023
Rédaction de la fiche
- Nadia Robert (IAC)
- Christina Do (IAC)
- Estelle Bonnet-Vidal (Lincks)
Relecture
- Nadia Robert (IAC)
Citation bibliographique recommandée :
Agripédia. Fiche technique "Abelmoschus manihot (Chou kanak, vertus médicinales)" [En ligne] https://www.agripedia.nc/ressources-vegetales/plantes-medicinales/medicinales-endemiques-et-indigenes/abelmoschus-manihot (consulté le jour/mois/année)
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